Planification fiscale au moyen de sociétés privées
Le Conseil canadien du porc a fait valoir le point de vue des producteurs de porcs sur les modifications fiscales proposées par le ministère des Finances dans le cadre de la consultation à ce sujet le 2 octobre 2017. Le CCP a aussi eu l'occasion de rencontrer des représentants du gouvernement, en personne, en septembre 2017, afin de leur partager les inquiétudes des propritéaires de fermes.
Le Conseil canadien du porc (CCP) représente les points de vue de 7 000 éleveurs de porcs au Canada. À ce titre, le Conseil est fier de donner son avis sur les modifications fiscales proposées par le ministère des Finances.
Le CCP, à l’instar de nombreux autres groupes représentant de petites entreprises, a de sérieuses réserves quant aux modifications proposées. Il semble qu’on les ait présentées sans trop comprendre le secteur agricole et les répercussions qu’elles auraient sur les familles d’agriculteurs. L’agriculture canadienne ne fabrique pas de gadgets, mais élève des animaux et produit des cultures qui nourrissent les Canadiens et le monde. Voici ce que soumet le Conseil à votre attention au sujet des modifications fiscales proposées.
Répartition du revenu
La plupart des exploitations agricoles commerciales incorporées comptent sur la famille pour la main-d’œuvre, la tenue des comptes et l’aide financière. Les agriculteurs débutants doivent souvent se tourner vers des membres de leur famille pour obtenir des prêts, du financement ou des garanties. Ces propositions fiscales pénaliseraient aujourd’hui injustement les membres de la famille qui contribuent à l’entreprise familiale en y investissant du capital humain ou financier.
Les propositions présentent également un test de « raisonnabilité ». Cette complexité supplémentaire astreindra sans doute les producteurs à détourner des ressources vers leurs comptables et conseillers fiscaux en vue de s’y conformer. L’alourdissement de la charge administrative aux fins de l’objectif indéfini d’équité du régime fiscal n’améliore en rien la compétitivité des entreprises.
Détention d’un portefeuille de placements passif dans une société privée
L’agriculture est fortement cyclique en raison des conditions météorologiques (les sécheresses et les inondations, p. ex.), des maladies (la diarrhée épidémique porcine, p. ex.), des conditions du marché (l’augmentation des approvisionnements de porc des É.-U., p. ex.) et des politiques commerciales (la fermeture du marché russe aux exportations canadiennes de porc). La série de mesures de gestion des risques de l’entreprise offerte par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux est utile, mais ne suffit pas pour gérer tous ces risques. En fait, le programme Agri-stabilité s’attend à ce que les producteurs absorbent les 30 premiers pour cent de la baisse de leur chiffre d’affaires. De plus, on ne sait pas exactement comment les modifications proposées influeront sur les fonds détenus dans le cadre du programme Agri-investissement. Toute règle concernant les revenus passifs doit tenir compte du fait que les familles agricoles doivent garnir leurs coffres pour survivre à ces événements difficiles.
Les revenus passifs servent également à rembourser la restructuration intergénérationnelle, à racheter les parts de partenaires, à étendre les opérations et à entreprendre des mises à niveau ou des rénovations majeures. Les modifications fiscales ne devraient pas punir la prudence et favoriser la mauvaise planification d’entreprise.
Conversion d’un revenu en gains en capital
De nos jours, l’agriculture familiale a besoin d’un grand nombre d’acres de terre ou de têtes de bétail pour être économiquement viable. Le vieux cliché « riche en terre et pauvre en argent » est basé sur des faits. Les actifs agricoles sous-jacents ont augmenté considérablement sans entraîner une progression correspondante des flux de trésorerie. Ce qui complique souvent les transferts intergénérationnels à des membres de la famille qui aspirent à pratiquer l’agriculture. Ces actifs doivent être conservés pour assurer la viabilité des exploitations agricoles familiales; bon nombre de ces actifs sont transmis de génération en génération sans jamais être vendus.
Les modifications fiscales proposées ne tiennent pas compte de la réalité de l’agriculture et des contributions familiales à l’exploitation qui, traditionnellement, ne sont pas de nature économique (les contributions du conjoint, p. ex.). Il convient de noter que le droit de la famille, en revanche, en tient compte.
En fait, les modifications proposées font en sorte qu’il est économiquement avantageux de vendre l’exploitation agricole à des étrangers à l’extérieur de la famille ou de la collectivité locale.
Les changements de règles posent également d’importants problèmes lors d’un décès. Jusqu’ici, les entreprises pouvaient utiliser la technique du pipeline pour éliminer la double imposition au décès. Cela ne sera plus possible et pourrait même, selon les circonstances, obliger la famille à vendre l’exploitation pour payer les impôts après la mort de la première génération. Le fardeau fiscal au moment du décès et tout au long de la restructuration qui s’ensuit pourrait être beaucoup plus élevé (45 % ou plus, selon les circonstances) si les modifications proposées sont adoptées.
La génération du baby-boom n’existe pas seulement dans le grand public, mais également dans la collectivité agricole. La majorité des producteurs approchent rapidement l’âge de la retraite ou l’ont atteint. La plupart des familles agricoles et des propriétaires de petite entreprise n’ont pas de régime de retraite et la vente de leur exploitation/entreprise a toujours été leur plan de retraite. Cette génération a structuré ses affaires en fonction du régime fiscal existant dans l’objectif d’une transition ordonnée vers la génération suivante. La génération suivante, plutôt que d’être soumise à un taux d’imposition d’environ 25 %, doit maintenant prêter une grande attention au taux d’imposition des dividendes pour s’assurer une valeur commerciale (lorsque l’exploitation reste dans la famille).
Dans de nombreux cas, les polices d’assurance existantes ne suffiront pas à couvrir ce fardeau supplémentaire et étant donné l’âge du producteur de première génération typique, celui-ci risque de ne plus pouvoir souscrire à une police d’assurance complémentaire.
Les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu menacent la planification successorale déjà en place et entraîneront la vente des exploitations agricoles familiales à des personnes non apparentées ou leur réduction à des structures non réalisables. Compte non tenu de l’impact négatif qu’elles auront sur la croissance des secteurs agricoles et agroalimentaires, ces modifications mettent également en péril la stabilité à long terme des ressources agricoles du Canada, étant donné que les investisseurs externes n’auront plus la même vision multigénérationnelle à long terme de la ferme.
Conclusion
Les modifications fiscales proposées semblent déconnectées de la volonté exprimée par le gouvernement du Canada de développer l’économie de manière durable et écologique. Le Budget 2017 présentait le secteur agricole et agroalimentaire comme un moteur de la croissance. Nous le croyons aussi et espérons contribuer à l’atteinte de l’objectif de 75 milliards de dollars d’exportations. Toutefois, les producteurs se voient maintenant imposer une taxe sur le carbone par le gouvernement fédéral et, avec la présente proposition, une hausse d’impôts qui menace la viabilité à long terme de leur entreprise familiale. Le fait de faciliter l’importation de produits non visés par ces impôts et de rendre la tâche plus difficile aux producteurs canadiens ne permettra pas de favoriser la croissance durable du secteur.
Compte tenu des conséquences possibles des modifications et du fait qu’elles ont été annoncées aux producteurs au cours de l’été, alors que nous nous efforcions de cultiver nos champs et de nourrir notre bétail pendant la courte saison de croissance du Canada, le Conseil canadien du porc demande ce qui suit :
- que les modifications soient mises de côté, et
- qu’un groupe de travail industrie-gouvernement soit mis sur pied pour débattre en profondeur des préoccupations du service fiscal et pour élaborer des solutions possibles aux problèmes clairement énoncés.
En termes simples, il est trop risqué de mettre en œuvre les propositions présentées. Le CCP demeure disposé à participer comme il convient et sera ravi de fournir des renseignements supplémentaires.